L’Organisation mondiale de la santé définit l’adolescence comme le stade entre 10 et 19 ans où se produisent des changements physiques et cognitifs importants qui peuvent déterminer les forces vitales ou accroître les conditions de vulnérabilité sociale et les risques pour la santé (OMS, 2024). Ces risques, bien qu’évitables, peuvent persister jusqu’à l’âge adulte et nuire aux résultats scolaires et à la productivité au travail.
Les études épidémiologiques donnent à penser que la santé des adolescents revêt une importance mondiale. En Europe, selon l’UNICEF (2021), la prévalence des troubles psychiatriques chez les adolescents est de 16,3%, c’est à dire 9 millions d’adolescents ont un trouble psychologique. La France a un taux d’environ 18,30% (1.508.307 jeunes: 19,50% filles; 17,10% garçons). L’Espagne a le taux le plus élevé de toute l’Europe, autour de 20,80% (21,40% filles; 20,40% garçons), les troubles d’anxiété et la dépression étant les plus fréquents. En outre, la dérégulation émotionnelle et comportementale amplifie beaucoup ces risques sociaux et émotionnels.
Dans un monde en constante évolution, les éducateurs, les parents et les personnes qui s’occupent des adolescents font face à des défis sans précédent pour leur permettre d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour réussir à l’école et dans la vie.
En accord avec Engel (1977), la santé et la maladie chez l’être humain dépendent de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Au cours de l’adolescence, ces facteurs prennent une importance particulière car les jeunes sont confrontés à des menaces multiples pour leur bien-être physique et émotionnel. Parmi celles-ci figurent l’absentéisme scolaire, le souci de l’image corporelle, l’influence des pairs, la pression pour participer à des activités sexuelles ou à risque et l’exposition aux réseaux sociaux, qui peuvent façonner des comportements en contradiction avec les valeurs familiales et sociales.
Les adolescents signalent des niveaux élevés de stress scolaire associés aux devoirs, aux tests, aux attentes en matière de réussite et aux interactions avec les enseignants. Les contraintes de temps affectent aussi la jeune génération. Pour relever ces défis avec succès, il faut un haut niveau de compétence sociale et émotionnelle.
Les compétences sociales et émotionnelles sont essentielles, et de plus en plus reconnues, pour gérer efficacement la vie. Cela comprend:
- la prise de décisions flexibles,
- la résistance au stress,
- le maintien de la prospérité et du civisme,
- savoir comment canaliser l’attention,
- maintenir la motivation,
- travailler en collaboration avec les autres,
- faire face à la frustration,
- répondre aux défis de manière appropriée et
- éviter les comportements à risque.
Des décennies de recherche ont montré que les programmes de prévention, comme les programmes basés sur la pleine conscience, peuvent réduire les problèmes de comportement tout en renforçant les compétences en matière de santé mentale, en relations interpersonnelles et en réussite scolaire.
Changements neurobiologiques de l’adolescence
Les preuves scientifiques montrent que l’adolescence est une période sensible au stress à cause des changements hormonaux liés à la puberté et de la plasticité spectaculaire de la structure et du fonctionnement du cerveau. En outre, il s’agit d’une période de vulnérabilité particulière à l’environnement social et émotionnel.
Les adolescents traitent l’information émotionnelle différemment de la façon dont les enfants et les adultes prépubères le font, c’est-à-dire que le cerveau des adolescents réagit particulièrement aux informations émotionnelles et surtout aux menaces.
Le développement du cerveau qui se produit pendant l’adolescence implique principalement des changements dans les cortex cérébral, dans les domaines liés au contrôle de l’impulsion, du jugement, de la planification et la régulation des émotions. Comme dans l’enfance, l’apprentissage par l’expérience joue son rôle dans la sculpture du cerveau à l’adolescence.
Effets du stress à l’adolescence
Bien que la réponse au stress humain soit adaptative en de courtes périodes, améliorant la mémoire et aidant à mobiliser les réserves d’énergie pour des objectifs ciblés, le stress prolongé ou une réactivité dérégulée peuvent avoir un effet négatif sur la santé, l’apprentissage et la productivité. Les preuves scientifiques suggèrent que la capacité de diriger efficacement l’attention et de résoudre des problèmes est perturbée par le stress émotionnel élevé, en particulier lorsqu’on perçoit un manque de contrôle sur les facteurs de stress.
Compte tenu des conséquences potentiellement néfastes du système de stress suractivé de façon chronique , il est extrêmement important de considérer les effets du stress sur le cerveau en développement et sa réorganisation à l’adolescence. La surexpression et l’augmentation de la sensibilité au cortisol, principale hormone du stress, pendant cette période pourraient signaler une fenêtre de vulnérabilité pour le développement d’une psychopathologie.
Le stress perçu, l’anticipation mentale d’un stresseur et les souvenirs des stresseurs passés et le rejet des groupes de pairs ont des associations particulièrement fortes avec la réactivité cardiaque et du cortisol chez les adolescents. En fait, les comportements les plus marquants, bien étudiés et problématiques de l’adolescence sont tous liés aux émotions. La dépression, l’anxiété, l’agressivité, la prise de risque, le comportement sexuel, le suicide, les conflits interpersonnels, les automutilations et les intérêts passionnés dans les arts, le sport et les relations avec les pairs sont tous des processus émotionnels.
L’importance de la régulation des émotions
La régulation des émotions implique des stratégies pour gérer le malaise afin d’atteindre certains objectifs, et c’est une base pour le bien-être, les résultats scolaires et l’ajustement positif tout au long de la vie.
Les processus de régulation des émotions comprennent:
- l’identification et l’acceptation des expériences émotionnelles,
- la gestion du malaise,
- la modulation de l’excitation,
- le maintien de la motivation,
- la hiérarchisation entre différents objectifs et
- l’ajustement adaptatif des réponses comportementales.
Les difficultés dans la régulation des émotions sont une caractéristique centrale de nombreux problèmes émotionnels et comportementaux à l’adolescence, comme ceux mentionnés ci-dessus.
Une détresse émotionnelle accrue prédit des problèmes de comportement et l’échec scolaire. Les adolescents ayant une faible tolérance à la détresse sont significativement plus susceptibles de s’engager dans un comportement nuisible à la prise de risque que ceux qui ont une plus grande capacité de tolérance à la détresse malgré une propension similaire à prendre des risques. La détresse émotionnelle perturbe le processus d’apprentissage par plusieurs mécanismes, notamment la réduction de l’efficacité autorégulatrice et de la motivation académique et l’amplification de l’évitement expérientiel.
Si l’adolescence est une période de développement sensible au stress, alors le détresse émotionnel peut être un facteur de risque pour les problèmes émotionnels et comportementaux chez tous les adolescents. Par conséquent, nous devons donner la priorité à des programmes de prévention universels efficaces qui enseignent les compétences de régulation émotionnelle (tolérance à la détresse) à tous les adolescents, et non seulement à ceux qui sont le plus à risque de problèmes, dans le cadre d’une programmation intégrale du langage social et émotionnel. Une approche de la pleine conscience peut être particulièrement appropriée à cette tâche.
La contribution de la pleine conscience pour former l’attention et la régulation émotionnelle.
La pleine conscience est un terme utilisé pour décrire un type particulier d’attention qui se caractérise par l’intentionnalité, le moment présent et l’observation non évaluative de l’expérience.
Les comportements tels que l’agression et la procrastination peuvent devenir des réponses automatiques impulsives à la détresse émotionnelle (par exemple, colère ou anxiété) ou aux perceptions de désagréments (par exemple, ennui). La pleine conscience est particulièrement adaptée pour répondre à ces tendances à réagir de manière automatique et inconsciente aux déclencheurs, parfois appelés pilotes automatiques. La pratique d’une attitude attentive et non réactive envers ses impulsions peut «accroître l’écart entre les impulsions et l’action» et mener à la résolution de problèmes de manière plus consciente.
Bien que les recherches avec les adolescents soient plus limitées, certaines études ont documenté des améliorations dans les compétences d’attention; les compétences sociales chez les élèves ayant des difficultés d’apprentissage; la qualité du sommeil; le bien-être et la réduction des symptômes d’anxiété, de dépression, de somatique et d’externalisation (lié au contrôle des impulsions, à l’agressivité, etc…) chez les adolescents ayant des dérivations cliniques. Bien que davantage de recherches avec des conceptions expérimentales rigoureuses soient nécessaires pour évaluer les effets des approches basées sur la pleine conscience sur les jeunes, les recherches disponibles sur la pleine conscience chez les enfants et les jeunes sont prometteuses. Chez les adolescents, la pleine conscience semble renforcer les compétences fondamentales en matière d’autoréglementation, soutenir les compétences cognitives nécessaires à l’apprentissage et élargir la capacité de tolérer la souffrance. D’autres recherches montrent la faisabilité de maintenir des traitements basés sur la pleine conscience comme une contribution précieuse et prometteuse, avec des liens entre les interventions de pleine conscience et la réduction des niveaux d’anxiété et de dépression, entre autres.
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